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Maman et Papa Sacados, deux infirmiers qui se sont rencontrés dans un hôpital au détour d'un voyage, et Preum's né lors d'une escale en Janvier 2012. Notre mode de vie : Comme d'autres construisent une maison, nous voyageons, déménageons...

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samedi 27 avril 2013

Sous la blouse...

Il y a longtemps déjà, mon travail ne me plaisait plus, m'écoeurait. Dans chaque nouveau service, nouvelle établissement, je me sentais mal. Je ne supportais plus les compliments de ma hiérarchie ou mes collègues sur mon travail "bien fait". Je me disais que je n'étais plus à la hauteur! Et puis ma grossesse est arrivée et le congé maternité avec. Ouf!
Ça m'a permis de reprendre mon souffle. Au début, je pensais à arrêter, l'idée d'y retourner m'angoissait. Mais que faire? J'aime mon métier!
Alors j'ai testé le libéral, je fais des remplacements. Et j'ai retrouvé goût à travailler! Le seul hic, c'est qu'il faut se lever tôt (trop tôt). Pour moi le réveil du matin est une vraie torture. Je pense que mes copines internes s'en souviennent, comme chaque personne qui ai vue ma tête à la sortie du lit!
Comme je l'ai toujours fait, j'ai écrit un texte pour fermer cette plaie et oublier l'infirmière triste que j'étais. Et ça a marché!

BURN OUT
Ma journée d'infirmière est bien rodée!
J'arrive aux vestiaires de l'hopital où j'échange mes vêtements de femme contre une tenue informe (ma blouse), j'accroche bien ma montre sur ma poitrine, et c'est parti!
Je prends connaissance des patients présents, je vais pouvoir leur apporter du bien être, c'est mon rôle, ma satisfaction.
Je distribue les médicaments.
Je vois un patient pleurer, je regarde ma montre, je passe mon chemin. J'ai perdu la vue.
Je prépare et pose les perfusions.
J'entre dans une chambre qui pue la souffrance, je regarde ma montre, je sors. J'ai perdu l'odorat.
Je prodigue des soins d'hygiène.
Un malade me dit : "j'ai peur", je regarde ma montre et je garde le silence. J'ai perdu l'ouïe.
Je panse.
Un vieil homme me tend une main à la recherche d'un geste tendre, je regarde ma montre et je m'en vais. J'ai perdu le touché.
Je remplis le dossier des patients, j'ai bien fait tous les soins écrits sur ma fiche de poste, sans oublier la case "écoute active" (j'ai honte!)
J'ai un goût amer dans la bouche, je bois un verre d'eau. J'ai perdu le goût.
Ma journée de travail se termine. Ils vont tous bien, ils n'ont pas mal, ils sont propres, j'ai perdu mes cinq sens et j'ai trouvé la souffrance.
Je vais au vestiaire, j'enfile ma tenue de femme et range ma blouse, avec ma montre.
Je sors de l'hôpital et je retrouve mes cinq sens, mais je garde la souffrance, bien enroulée autour du cou.
J'arrive chez moi, je m'assois et sers dans mes mains une tasse de thé bien chaud. Je mets mes yeux dans le vague, et je pense. Pendant ma formation, je l'ai bien assez entendu : une infirmière ne doit pas seulement panser avec un A mais aussi penser avec un E. Je refais ma journée et toute cette souffrance me saute aux yeux, aux nez, aux oreilles, aux mains, à la bouche.
Mais cette souffrance, à qui appartient elle? Qui est elle? C'est la leur, c'est la mienne, elle a grandi au fil de la journée, chaque fois que je perdais de ma sensibilité. Elle est l'absence de sens, l'absence d'humanité. Elle est la Maltraitance que je leur ai infligé sous le dictat du rendement, qui m'a pris ma joie de travailler. J'aurai pu tant leur donner par un regard, une caresse, un sourire, une attention.
Où est cette infirmière que je devais être? Où sont passés les sens reçus avec mon diplôme? Ma famille, mes amis me rappellent l'être humain que je suis, avec eux. J'avale mon thé, un goût sucré envahi ma bouche.
Je vais près de mon fils endormi. Je regarde son visage apaisé, je caresse ses cheveux, sens sa peau, j'écoute son souffle, j'embrasse ses joues.
Bonne nuit! Demain sera un nouveau jour.

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